Droit d'ingérence ou devoir de conscience : le succès de l'intervention française en Côte d'Ivoire.


par Brigitte Ades - Lundi 11 Avril 2011

« Ne pas agir, c’est encore agir » Cette phrase de Jean-Paul Sartre pourrait illustrer les dilemmes qui ont suivi, dans l'opinion publique, les interventions de la France lorsqu'elle a décidé d'agir face aux récents mouvements de libération. Devant l’ampleur des crises tant en Libye qu’en Côte d’Ivoire, il est attristant de constater que les media et une partie de l’opinion se sont cantonnés à une querelle de politique intérieure franco-francaise. Voir dans la décision du Président Sarkozy, d'intervenir en Côte d'Ivoire, ou en Libye, une simple manœuvre électorale, ne rend justice ni aux pays opprimés, ni aux principes fondamentaux de liberté qui ont fait la grandeur de la France. « Ce n’est pas du cynisme électoral qui explique la decision du Président, bien au contraire, affirme Bruno Tertrais, expert en défense stratégique. La question de la Côte d’Ivoire ne préoccupe que de très loin les Français et ce n’est pas sur ce terrain que la bataille électorale de 2012 va se jouer. »

La France a agi dans le concert des nations


Selon le droit international, l’intervention se justifie lorsque la protection de civils est en cause. Or c’est au nom de cette protection et en s’appuyant sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies que la France a fait passer, dès le 17 Mars, la résolution 1973, pour intervenir en Libye, avec la Grande Bretagne et le Liban ainsi que la résolution 1975 en Côte d’Ivoire soutenue par la France et le Nigéria . Sans l’intervention alliée en Libye, un massacre à Benghazi aurait sans doute eu lieu. Il fallait donc intervenir rapidement et le Président français a eu raison de ne pas hésiter, même si cela l’a rendu impopulaire affirme Nick Witney du Conseil Européen des Affaires Etrangères. Dans le cas contraire, l’opinion publique n'aurait pas épargné ses critiques acerbes.
De même en Côte d’Ivoire, si le gouvernement français n’avait pas réagi, il aurait été accusé d'être responsable d’un nouveau Rwanda. Pourtant, malgré la présence de 12000 ressortissants français sur place, l’attitude du Gouvernement a tout d’abord été prudente. Et il n’a été question d’intervenir que lorsque les événements dans le pays ont empiré : Là encore, il n’était plus possible de rester les bras croisés.


De l’opportunité de l’action française.


« La dialectique des relations entre les forts et les faibles est une composante fondamentale du principe d’intervention notait, il y a déjà vingt ans, Stanley Hoffman, alors qu’il dirigeait la Kennedy School of Government de Harvard ». Il faut une supériorité évidente pour laisser espérer une issue positive à toute intervention. La France entre dans ce cas de figure au vu de sa bonne position dans le classement des puissances militaires mondiales. L’opportunité de l’action française s’explique d’autant plus qu’elle espèrait, avec ses alliés occidentaux, une issue rapide aux conflits. Et la chute du Président Gbagbo, tombé, lundi 11 Avril, aux mains des forces françaises après une lourde opération militaire est un succès qui montre que le calcul francais entre les forces mises en oeuvre et le but à atteindre était tout à fait calibré.
Sur le front libyen aussi, de nouveaux espoirs se confirment: ce week-end, les frappes aériennes de l’Otan sur Ajdbiya ont permis aux forces rebelles de reprendre pratiquement toutes les positions dans la ville, une percée significative contre la force militaire de Kadhafi. Comme pour la Côte d'Ivoire, l’objectif de la France et des alliés en Libye, doit être clair et ciblé

L’intervention a toujours joué un rôle clef dans la politique étrangère française.


Dans le cadre de la décolonisation africaine, le général De Gaulle avait ratifié des traités avec les pays nouvellement émancipés, permettant à la France d’intervenir dans leurs affaires intérieures, à la seule condition d’une demande expresse préalable. Ainsi, entre 1960 et 1964, les nombreuses interventions de la France au Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon, Tchad, Niger et Mauritanie ont été justifiées par la protection des nouveaux régimes après leur indépendance. Cinquante ans après, on observe l’effet inverse : la nécessité de protéger les aspirations des peuples contre des régimes qui ont perdu toute légitimité. Ce n’est plus le principe de souveraineté mais celui d’autodétermination des peuples qui est ici privilégié et qui justifie, ici, les deux interventions.

Les limites de nos capacités d’intervention s’arrêtent aux limites de notre puissance militaire.



Tout comme il a été impossible de laisser se produire les massacres en Libye et maintenant en Côte d’Ivoire, il n’est pas non plus tolérable de voir le Gouvernement Syrien ou du Yémen perpétrer des crimes sur leurs civils. Pourtant les Etats occidentaux hésiteront à juste titre, à s’attaquer aux poids lourds du Moyen-Orient même si ceux-ci continuent leurs répressions. Deux poids, deux mesures, c’est ce dont ils seront accusés, si aucune intervention n’est diligentée à l’avenir contre l’Iran ou même la Syrie.
Une action humanitaire ne vaut-elle pas autant en Côte d’Ivoire qu’en Iran et si l’on ne peut pas agir partout, est-ce une raison pour n’agir nulle part ?

par Brigitte Ades

 
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Brigitte Ades
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